Le 29 octobre, nous fêtons les 344 ans de la mort du père Emmanuel Maignan, minime et scientifique de renom qui marqua de son génie les murs du couvent Royal de la Trinité-des-Monts, à Rome.
Raymond de Maignan nait à Toulouse le 17 juillet 1601 dans une famille de notables. Après avoir étudié dans un collège jésuite, il rejoint à 18 ans la congrégation des Minimes, fondée par saint François de Paule. A son entrée dans l’ordre, il renonce à ses titres de noblesse et sera désormais connu sous le nom d’Emmanuel Maignan. Profondément intelligent et de nature curieuse, il est marqué par les grandes découvertes des scientifiques de son époque (Copernic, Galilée, Képler) et prend fait et cause pour ces novateurs.
Après son ordination en 1625, il est chargé de l’enseignement des mathématiques et de la philosophie dans le couvent des Minimes de Toulouse. La ville traverse alors une période sombre puisque de 1618 à 1631 elle sera ravagée par la peste qui fera environ 50 000 victimes, et le père Maignan se dévouera auprès des pestiférés.
En 1636, le religieux est appelé à Rome par le supérieur général de l’ordre qui lui confie la chaire de mathématiques au couvent de la Trinité-des-Monts. Il assumera également la charge de correcteur (c’est-à-dire supérieur) du couvent, où il vivra pendant 14 ans. Durant cette période il se dédie particulièrement à l’étude de la géométrie, qui est alors orientée vers la perspective, étude qui se traduira par des dessins et peintures anamorphiques, dont il étudie la technique dans un livre Perspectiva Horaria. Dans le cadre de cette recherche il réalise, dans un des couloirs du premier étage du cloître, l’incroyable anamorphose représentant à la fois Saint François de Paule, fondateur de l’ordre et un paysage de Calabre selon l’endroit d’où l’on regarde l’œuvre.
Il se livre également à l’étude de l’optique et de la gnomonique (l’art de concevoir et tracer des cadrans solaires). En 1648, il publie un livre qui contient tout son enseignement à ce sujet : Perspectiva horaria sive horographia gnomonica tum theorica tum practica. L’ouvrage place Maignan parmi les physiciens et mathématiciens les plus célèbres de l’époque. Le religieux réalisera d’ailleurs, dans un autre couloir du premier étage du couvent, un astrolabe gnomonique, qui s’étend sur les 120m2 du couloir. Ce n’est pas le seul astrolabe qu’il réalisera à Rome, puisqu’un second astrolabe est peint sur les murs du Palais Spada – palais appartenant au Cardinal Spada, alors protecteur des minimes à Rome.
En 1650, Emmanuel Maignan retourne dans sa ville natale et il est nommé supérieur provincial. Au terme de ses trois ans comme supérieur provincial, il put enfin se consacrer entièrement à ses études, et ce jusqu’à sa mort le 29 octobre 1676.
L’ANECDOTE HISTORIQUE
« On rappelle […] qu’à l’occasion de son passage à Toulouse lors de son mariage, le jeune Louis XIV aurait demandé à visiter la cellule du religieux, devenue une sorte de cabinet de curiosité. Encombré d’objets scientifiques et d’inventions, la «chambre» du Père Maignan ressemblait à l’antre du génie. Subjugué par le lieu, par la valeur inventive de cet homme, sa naturelle autorité scientifique et sa personnalité originale, le roi lui aurait demandé de l’accompagner à Paris pour le compter au nombre de ses protégés. […] Le vénérable père refusa la royale invitation et « supplia avec tant d’insistance qu’on le laissât dans sa retraite » qu’il demeura toulousain »
T. VERDIER, Préface, dans F. TERKI, L’anamorphose murale de la Trinité-des-Monts à Rome
ZOOM SUR … l’anamorphose
Le terme anamorphose vient du grec : Ana, en remontant vers, et morphe, la forme. Il s’agit donc d’images déformées qui sont vues correctement d’un point de vu déterminé. Ce type d’œuvre demande au spectateur de se déplacer ou de faire des manipulations pour que l’image soit intelligible. La technique de l’anamorphose, mise au point au XVe siècle en Italie, se développe véritablement au XVIIe siècle, en partie grâce au travail et aux publications de deux minimes, résidents à la Trinité-des-Monts : Emmanuel Maignan et Jean-François Niceron.
L’anamorphose s’inscrit dans un courant intellectuel d’une étonnante vitalité, basé à Rome aux XVIIe et XVIIe siècles, et guidé par les religieux de la Trinité-des-Monts. L’ordre des Minimes, qui comptent de formidables artistes, des architectes et des savants de renom, participa au renouveau des sciences et des techniques.